Sanitaire -Médico-social - Publié le 29/03/2021 Lecture 8 min

Autisme : l’habitat inclusif, tremplin vers le milieu ordinaire

L’idée du projet a émergé il y a plus de deux ans. Aujourd’hui, une grande étape vient d’être franchie : les occupants du premier habitat inclusif de l’Ordre de Malte France prennent leurs quartiers dans une ancienne maison de retraite entièrement refaite à neuf. Chacun prend ses marques à son rythme, avec l’aide d’un éducateur spécialisé. L’objectif pour eux : devenir acteurs de leur quotidien, en se tournant vers les autres, vers la ville, vers l’emploi… Reportage à Lucé, en bordure de Chartres, au cœur de l’Eure-et-Loir.

Par une belle journée ensoleillée, malgré le petit vent frais qui souffle sur le gazon en train de pousser, le bâtiment récemment loué par l’Ordre de Malte France à l’Habitat Eurélien se dresse face à nous. Au départ, les traits de ce projet ont commencé à se dessiner à l’occasion d’un appel à candidature publié par l’Agence Régionale de Santé (ARS) Région-Centre Val de Loire. Fanny Laffaye-Hill, la directrice du Foyer d’Accueil Médicalisé Maison Saint-Fulbert (à Lèves, tout près de Lucé) et le SAMSAH TSA Saint-Julien*, formant à eux deux le pôle autisme Eure-et-Loir de l’Ordre de Malte France, ont envoyé un dossier. Et celui-ci a été retenu.

Il y a encore peu de temps, ce lieu accueillait une maison de retraite. Une fois les locaux libérés, un bailleur social a entamé des travaux de réhabilitation. Le résultat est là : tout est fonctionnel, malgré « une petite touche de décoration qu’il reste encore à apporter », plaisante Benoît Guénant, l’éducateur spécialisé, appelé ici le « coordinateur de l’habitat inclusif ». Du lundi au vendredi, Benoît Guénant est présent, en journée, sur différentes plages horaires, selon les jours, pour accompagner les uns et les autres dans le cadre de différentes démarches du quotidien

Un nouveau chapitre s’écrit pour les personnes qui viennent de s’installer ici. Il est donc fondamental de les accompagner pour ce nouveau départ, mais, dans l’optique de les laisser progressivement prendre de plus en plus d’autonomie. « On veut quelque chose qui soit très proche du milieu ordinaire, souligne Monsieur Guénant.

Un accompagnement sur mesure vers l’autonomie

Dans ses nouvelles fonctions depuis le début du mois de janvier, l’éducateur spécialisé dispose d’un bureau, accolé à l’espace collectif. Et il se réjouit de voir les locataires prendre, petit à petit, leurs appartements respectifs depuis début mars. Lors de notre visite, Mehdi, Jason, Brian, Jérôme et Alexis sont présents. Ils sont les cinq premiers occupants (terme consacré pour désigner les personnes vivant avec autisme qui logent ici) à s’installer, sur les sept que compte l’habitat inclusif. Ils ont tous entre 23 et 28 ans et ont été diagnostiqués autistes Asperger par le passé. Jusqu’à présent, ils étaient accompagnés par le SAMSAH TSA Saint-Julien, géré par l’Ordre de Malte France, à Chartres.

Les autistes Asperger peuvent exceller dans des domaines très pointus, tout en souffrant de grandes difficultés pour s’intégrer dans la société. « Certains occupants ont un niveau d’études supérieur au mien, explique Benoît Guénant, mais ils peuvent avoir du mal à penser à leurs lacets ou à faire correctement une lessive, avec des singularités dans les rapports sociaux qui entravent leurs relations aux autres », poursuit-il. La démarche du coordinateur consiste donc à donner les clés nécessaires aux occupants pour qu’ils acquièrent de l’autonomie, en s’effaçant progressivement. « Ils doivent apprendre à faire sans moi », affirme-t-il. La finalité du projet étant qu’ils puissent partir vers un logement sans accompagnement éducatif, dans un délai de trois ans maximum.

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Faire sa place au sein de la société

Excepté pour l’un d’entre eux, cette expérience d’habitat inclusif est une grande première pour tous les occupants. Chacun organise ses journées comme il l’entend, avec l’appui du coordinateur inclusif, quand cela est nécessaire. « L’habitat inclusif, pour moi, c’est une forme plus poussée de l’autonomie, nous confie, Brian, 24 ans, l’un des occupants, un peu hésitant. « J’ai un peu vécu en Cité Universitaire, mais je n’avais pas de contact avec les autres, alors que j’aurais bien voulu », nous raconte t-il.

Pour tout ce qui relève de l’administratif (demande des APL, ouverture d’une ligne téléphonique, etc.) cela demande aussi un accompagnement, pour rassurer, au départ. Et désormais, avec les aides qu’ils perçoivent, ces jeunes paient eux-mêmes une grande partie de leur loyer. Il y a encore très peu de temps, ils vivaient chez leurs parents, et comme n’importe quelle personne qui sort du cocon familial, un petit coup de main est le bienvenu quand on se lance dans une nouvelle vie.

La recherche d’un emploi fait aussi partie intégrante du projet. En étroite collaboration avec Pôle Emploi et Cap Emploi**, les occupants sont actifs dans leur insertion professionnelle, même si cela demande efforts et patience. Comme nous le confie, Jérôme, 23 ans, BTS de comptabilité et de gestion en poche : pour le moment, ses candidatures se heurtent à des réponses négatives. Mais il ne baisse pas les bras, d’autant plus que sa nouvelle vie lui apporte de nombreuses stimulations, encourageantes pour l’avenir. « J’habite ici depuis 15 jours, souligne t-il. La nouveauté pour moi, c’est de faire les courses. Je suis encore accompagné pour ça, mais j’ai mon permis de conduire depuis décembre », dit-il en sortant de son portefeuille la fameuse petite carte plastifiée, dont il est très fier, et à juste titre !

Un logement… et après ?

Si les débuts de cet habitat inclusif sont pleins de promesses, l’éducateur spécialisé reste vigilant sur les objectifs à atteindre. « C’est bien d’avoir un logement, mais il faut pouvoir participer à la vie de la cité, éviter le repli sur soi même. Le but, c’est qu’ils ne vivent pas qu’entre eux, rappelle Benoît Guénant. Par exemple, si l’un des occupants a besoin d’aide pour une lessive, je l’encourage à se tourner vers un autre occupant qui l’a déjà fait. Le but étant de faire soi-même, afin d’être complétement autonome dans sa vie future ». Autre illustration du projet inclusif : ici, les occupants sont chez eux. Par conséquent, « personne n’a à m’informer de qui il reçoit (…) Quand je passe chez eux, je n’ai pas de clé, je demande si je peux entrer », souligne l’éducateur spécialisé.

Concourir à ce que des personnes différentes soient mieux représentées dans notre société et les aider s’y inclure dans le but qu’elles s’épanouissent est le maître mot de notre association. « Le logement, c’est une chose, mais il ne faut pas oublier l’inclusion », Benoît Guénant.

*SAMSAH TSA : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés – Troubles du Spectre de l’Autisme.
** Cap Emploi promeut et facilite l’accès à l’emploi aux personnes handicapées.

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Le vendredi 19 mars, dans le cadre d’une visite de lancement de l’habitat inclusif, Jean-Baptiste Favatier, Président de l’Ordre de Malte France, Jacques Boulot, Direction Hospitalière France, Fanny Laffaye-Hill, directrice de la Maison Saint-Fulbert à Lèves, Gérard Naulet et Sophien Khelifi, représentants de l’ARS et Jean-Charles Durand, représentant de l’Habitat Eurélien, sont venus à la rencontre des occupants de l’habitat inclusif, pour les encourager dans leur nouvelle vie.

 

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