Sanitaire -Médico-social - Publié le 17/03/2021 Lecture 7 min

« Il n’y a pas un autisme, mais des autismes »

En vue de la Journée Mondiale de l’Autisme, le 2 avril, nous donnons un coup de projecteur au travail de l’Ordre de Malte France, engagé depuis 25 ans dans ce champ d’action, à travers une série d’articles et de témoignages. Nous avons choisi d’introduire cette série avec un entretien de Jacques Boulot, Direction Hospitalière France, à la tête des établissements médico-sociaux et sanitaires gérés par notre association. Éclairage sur cette thématique, encore bien souvent mal comprise.

 

« L’autisme peut être défini comme un ensemble des troubles neuro-développementaux et des perturbations liées au développement cognitif de la personne », expose Jacques Boulot. Complexe, l’autisme ne se manifeste pas d’une seule manière. Si bien que l’on ne parle pas d’un autisme, mais des autismes, au pluriel. La nouvelle expression consacrée pour en parler, les « troubles du spectre de l’autisme » (TSA) prend ainsi tout son sens.

Parmi ces troubles : des difficultés relationnelles, des problèmes liés à la communication, le mutisme, des interactions sociales délicates, le besoin de se raccrocher à un objet, le suivi à la lettre des mêmes rituels au quotidien… Autant de manifestations auxquelles peuvent s’ajouter des troubles associés.

entretien jacques boulot 2

Crédit Photo : Maud Fée

Le diagnostic, d’hier à aujourd’hui

Aujourd’hui, force est de constater que les progrès réalisés en matière de diagnostic sont bien là. Il est de plus en plus commun de parvenir à poser un diagnostic précoce chez les enfants – de préférence entre 18 et 36 mois – chez qui on observe, de manière durable et répétée, des comportements qui se différencient des autres, en matière de communication, de socialisation, de motricité… Par ailleurs, « il y a chez les personnes atteintes d’autisme, une hypo ou une hypersensibilité aux bruits, aux odeurs, au toucher, à tout ce qui est sensoriel », complète Jacques Boulot.

Il y a encore peu de temps, l’importance du diagnostic était encore minimisée. « On assimilait beaucoup de troubles à l’autisme », dit Jacques Boulot. Pourtant le diagnostic est important pour mettre en place une prise en charge adaptée, le plus tôt possible. « Bien que l’on avance dans le bon sens », estime Jacques Boulot, les possibilités de réaliser des diagnostics dans des délais raisonnables restent encore trop limitées notamment pour les personnes adultes. La Maison d’Accueil Spécialisée Notre-Dame de Philerme (gérée par l’Ordre de Malte France depuis 1997) à Sallanches (Haute-Savoie) est en capacité de faire un premier diagnostic de niveau 1. Mais elle fait figure d’exception.

Personnaliser les réponses

Comment mieux intégrer les personnes atteintes d’autisme au sein de notre société ? Comment leur proposer un accompagnement adapté ? Comment mettre en place une communication de qualité, alors que la plupart des personnes atteintes d’autisme ont des difficultés à verbaliser ? Autant de questions auxquelles les réponses se dessinent au cas par cas. « Sur l’ensemble des structures gérées par l’Ordre de Malte France, nous avons 200 personnes accompagnées, qui incarnent de nombreuses formes d’autismes », expose Monsieur Boulot. Il y a donc des réponses individuelles, différents types d’accueil, d’accompagnement… à proposer.

Dès les années 90-95, l’Ordre de Malte France s’est positionné sur l’approche éducative et comportementale, au sein des deux établissements dédiés à l’autisme qu’il gérait alors, à Rochefort et à Sallanches. « D’une époque monoréponse, nous sommes passés à une époque où il y a plus d’attention aux besoins individuels des résidents, en prenant en compte les spécificités de chacun ». Des méthodes de communication à travers des échanges d’images ou de structuration dans le temps et l’espace sont, entre autres, appliquées et adaptées au quotidien au sein des établissements de l’association. Ces approches sont recommandées depuis près de 10 ans par la Haute Autorité de Santé.

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Crédit Photo : Maud Fée

Institutions et inclusion : favoriser la complémentarité

Dans toutes les structures dédiées à l’autisme dont il est gestionnaire, l’Ordre de Malte France accueille des personnes atteintes lourdement par ce handicap. Elles sont nombreuses à ne pas être en capacité d’évoluer vers plus d’autonomie.

À côté de cela, des projets visent à développer les capacités de certains résidents. C’est notamment le cas du projet d’habitat dit « passerelle », situé dans l’enceinte même – tout en étant un peu excentré – de la Maison Saint-Fulbert à Lèves. Dans ce petit bâtiment ouvert depuis février 2020, 2 ou 3 résidents sont désormais installés à l’année et sont capables d’effectuer un certain nombre d’actes du quotidien (rangement, lessives, petits déjeuners…) par eux-mêmes, sous l’œil attentif d’accompagnants éducatifs, présents uniquement en journée.

Pour l’Ordre de Malte France, il est essentiel de ne pas opposer institution et inclusion. Celles-ci doivent être complémentaires et offrir des réponses adaptées à chaque situation individuelle. L’inclusion ne passe pas nécessairement par un logement particulier. Elle peut aussi être mise en œuvre à travers des activités spécifiques, par le travail d’apprentissage, à travers des exercices d’habileté sociale et bien d’autres médiations.

Les enjeux de notre association

À l’heure actuelle, et dans les prochaines années, l’Ordre de Malte France a à cœur de poursuivre son développement en lien avec les politiques publiques et d’être en mesure de diversifier les modalités de réponse auprès des personnes atteintes d’autisme qu’elle accompagne au sein de ses structures. La place des familles reste centrale dans cette démarche, car les orientations se font aussi en fonction de leurs attentes : accueil de jour, internat complet, accueil temporaire, habitat passerelle, habitat inclusif, déplacements des équipes mobiles à domicile…

L’autre enjeu consiste à former les professionnels, afin de toujours garantir un accompagnement de qualité. Aujourd’hui encore, les personnels de santé ont besoin de se perfectionner dans l’autisme, de partager les bonnes pratiques, d’acquérir les « outils » nécessaires pour une meilleure continuité des accompagnements. La stabilité des professionnels est une base essentielle au bien-être des personnes atteintes d’autisme. Tout changement d’habitude génère angoisse, anxiété… et potentiellement des troubles du comportement chez les résidents. Un cadre sécurisé est l’une des clés d’un accompagnement digne de ce nom. « Travailler auprès de personnes atteintes d’autisme relève presque du sacerdoce », reconnaît Jacques Boulot. C’est pourquoi, il faut du personnel et des cadres de direction à la fois reconnus et investis, à qui on donne la possibilité de se former, pour un travail construit dans le temps, et donc au bénéfice direct des résidents, observe-t-il.

 

L’autisme, souvent qualifié de « tragédie silencieuse » est lourd, douloureux et éreintant au quotidien, souligne Jacques Boulot. « Il vient bousculer la vie d’une famille, d’un couple, d’une fratrie ». Au-delà de l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes, le rôle de notre association consiste aussi à soutenir et à écouter les personnes qu’il touche, familles et accompagnants y compris.

 

Pour en savoir plus sur l’autisme

Découvrez notre série d’articles dédiés à l’autisme, en commençant par le témoignage de Jacqueline, la maman d’Anaïs, résidente du Foyer de vie Jeanne d’Arc, à Vigneux-sur-Seine.

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